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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

roles et pauvre d’idées et de principes ; il s’enterre sous ses phrases et ensevelit sa gloire, son honneur peut-être, sous la facilité prostituée de son éloquence.

Ce que je vous dis là n’est-il pas votre sentiment, lorsque vous me dites qu’écrire pour le présent est chose tout à fait inutile ? Mais vous pensez qu’il faut toujours écrire pour l’avenir. C’est bien ce qu’il vous faudra faire dans vos jours de repos, quoi que vous en disiez. Vous avez des faits à raconter, votre vie appartient à l’histoire, et rien ne vaut la parole de l’historien qui a fait l’histoire avant de l’écrire. Vos actes et vos proclamations sont là, je le sais ; mais votre sentiment intime, vos espérances, vos douleurs, vos abattements même instruiront encore plus la postérité. La défaillance de Jésus sous les oliviers, les larmes de Jeanne Darc marchant au supplice sont l’attendrissement et l’enthousiasme éternels des âmes aimantes. Il y a en nous un foyer intime que nous devons laisser voir quand il est pur. Vous écrirez donc votre vie, je l’espère. Ce sera, d’ailleurs, le martyrologe des plus grands cœurs de l’Italie moderne, et nul comme vous ne tressera cette couronne qui leur est due.

Vos amies espèrent vous revoir en Angleterre dans quelques mois. Quand nous reverrons-nous en France ?

Adieu, cher ami ; écrivez-moi si vous avez le temps. Sinon, ne vous fatiguez pas. Je sais que votre cœur ne s’endort point ; je tiens seulement, s’il vous est possible, à savoir que vous vivez, sans trop souffrir, et que