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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

les besoins de son estomac, de son cœur et de son intelligence. » Ou bien : « À chacun selon son appétit, sa conscience et son génie. » C’est toujours la même chose.

Ici, je suis d’accord avec Leroux, qui est parti de là pour composer un étrange système de triade où mon intelligence ne peut le suivre.

Vous voyez bien que je ne suis pas plus en désaccord de principes avec vous qu’avec Louis Blanc, et je ne saisis pas même le combat que ces formules, posées d’une manière ou de l’autre, peuvent se livrer dans votre esprit ou dans le sien. Ou je ne suis pas assez intelligente pour le comprendre, ou la différence est imaginaire et tient à des préventions toutes politiques, ou bien encore vous ne vous êtes pas assez interrogés et compris l’un l’autre. C’est le défaut des formules. Il y a un moment où le sentiment général, étant un, les admet comme l’expression d’une vérité irréfutable, dans la pratique ; mais, tant qu’elles planent dans la sphère des discussions métaphysiques, elles prennent, pour les divers esprits, diverses significations mystérieuses, et on se dispute sur des mots sans tomber d’accord sur l’idée. Toutes les fois que j’ai entendu démolir Louis Blanc, c’est au moyen d’inductions qui n’étaient nullement, selon moi, la déduction de ses formules.

Quant à moi, je vous avoue que je suis si lasse, si ennuyée, si fatiguée, si affligée de voir les faits entravés toujours par des mots, et le fond sacrifié à la forme, que je ne m’occupe plus du tout des formules,