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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

querez une occasion sûre, je vous l’enverrai. Faut-il, en attendant, la faire remettre à M. Accursi ?

J’ai reçu votre lettre au pape, elle est fort belle. Mais votre voix sera-t-elle écoutée ? N’importe, après tout ! D’autres que le pape liront cette lettre et ranimeront leur zèle et leur patriotisme pour entraîner ou combattre le zèle ou la tiédeur des princes. Les bonnes pensées sont déjà de bonnes actions, et vous n’avez que de ces pensées-là.

Je suis vivement touchée de tout ce que vous me dites de bon et d’affectueux de la part de vos amies. Remerciez-les pour moi de leur affectueuse hospitalité. J’y répondrais avec empressement si j’étais libre. Mais, avant de l’être, il faut que je passe toute une année dans les chaînes. J’ai conclu un marché, un véritable marché, pour travailler un an entier et recevoir une somme. Je jouissais depuis quelques années d’une sorte d’indépendance ; mais, l’âge d’établir les enfants étant venu, et, moi n’ayant jamais su épargner en refusant d’assister autant de gens qu’il m’était possible, je me suis vue dans la nécessité de penser sérieusement au prix matériel du travail de l’art. Comme, au reste, ce travail dont je vous ai parlé me plaît[1], et était depuis longtemps un besoin moral pour moi, j’aurais mauvaise grâce à me plaindre, tandis que des millions d’hommes accomplissent des travaux rebutants et antipathiques pour une rétribution insuffisante à leurs premiers besoins. Je regarde

  1. Il s’agissait de ses Mémoires.