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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Adieu, mon ami ! d’après toute cette philosophie que j’avais besoin de me résumer et de te résumer en rentrant dans le repos de la campagne, tu vas croire que je m’arrange fort bien de ce qui est, et que je ne souffre guère dans les autres. Hélas ! je ne m’en arrange pas, et j’ai vu plus de larmes, plus de désespoirs, plus de misères, dans ma petite chambre de Paris, que tu n’en as pu voir en Belgique. Là, tu as vu les hommes qui partent ; moi, j’ai vu les femmes qui restent ! Je suis sur les dents après tant de tristesses et de fatigues dont il a fallu prendre ma part, après tant de persévérance et de patience dont il a fallu m’armer pour aboutir à de si minces allègements. Je ne m’en croyais pas capable ; aussi j’ai failli y laisser mes os. Mais le devoir porte en soi sa récompense. Le calme s’est fait dans mon âme, et la foi m’est revenue. Je me retrouve aimant le peuple et croyant à son avenir comme à la veille de ces votes qui pouvaient faire douter de lui, et qui ont porté tant de cœurs froissés à le mépriser et à le maudire !

Je t’embrasse et je t’aime.