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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

de chemin sans boue, comme il n’y en a pas sans rochers et sans précipices. La France a conquis la sanction, la vraie, la seule sanction légitime de tous les pouvoirs, l’élection populaire, la délégation directe. « C’est l’enfance de la liberté, » dit-on ? Oui, c’est vrai, la France électorale marche comme l’enfance, mais elle marche ; aucune autre nation n’a encore marché aussi longtemps dans cette voie nouvelle, l’élection populaire ! La France va probablement voter l’empire à vie, comme elle vient de voter la dictature pour dix ans ; et je parie qu’elle sera enchantée de le faire ; c’est si doux, si flatteur pour un ouvrier, pour un paysan, de se dire, dans son ignorance, dans sa naïveté, dans sa bêtise, si vous voulez : « C’est moi maintenant qui fais les empereurs ! »

On vous a dit que le peuple avait voté sous la pression de la peur, sous l’influence de la calomnie. Ce n’est pas vrai. Il y a eu terreur et calomnie avec excès ; mais le peuple eût voté sans cela comme il a voté. En 1852, ce 1852 rêvé par les républicains comme le terme de leurs désirs et le signal d’une révolution terrible, la déception eût été bien autrement épouvantable qu’elle ne l’est aujourd’hui. Le peuple eût probablement résisté à la loi du suffrage restreint, il eût voté envers et contre tous ; mais pour qui ?

Pour Napoléon, qui avait pris les devants, avec un à-propos incontestable, en demandant le retrait de cette loi à son profit, et qui, certes, ne l’eût pas demandé s’il n’eût été sûr de son affaire.