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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

et tous trop savants, même les meilleurs, qui ont influencé le peuple, c’est se fourrer dans l’esprit gratuitement la plus étrange vision qu’il soit possible de donner pour un fait réel.

Vous me direz peut-être que ces écrits ont déterminé des abstentions nombreuses ; je vous demanderais si c’est probable, et pourquoi cela serait-il ? L’abstention, là où elle se décrète, n’est jamais qu’une mesure politique, une protestation ou un acte de prudence pour éviter de se faire compter quand on se sait en petit nombre. Les partisans de la politique pure se sont abstenus peut-être plus encore que les socialistes, dans les dernières élections. En de certaines localités, on s’est fait un devoir de s’abstenir ; en de certaines autres, on a risqué le contraire, sans que, nulle part, on se soit divisé sur l’opportunité du fait, au nom du socialisme ou de la politique.

C’est donc, selon moi, une complète erreur d’appréciation des faits que ce cri jeté par vous à la face du monde : Socialistes ! vous avez perdu la France ! Admettons, si vous l’exigez, que les socialistes soient, par caractère, des scélérats, des ambitieux, des imbéciles, tout ce que vous voudrez. Leur impuissance a été tellement constatée par leur défaite, qu’il y a injustice et cruauté à les accuser du désastre commun.

Mais, d’abord, qu’est-ce que le socialisme ? À laquelle de ses vingt ou trente doctrines faites-vous la guerre ? Il règne dans vos attaques contre lui une complète obscurité, vous n’avez presque rien désigné,