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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

vous n’avez nommé presque personne. Je comprends la délicatesse de cette réserve ; mais est-elle conciliable avec la vérité, quand vous invoquez ce principe qu’il faut dire la vérité à tous, en tout temps, en tout lieu !

Ne voyez-vous pas qu’en attaquant les diverses écoles sans distinction, vous les attaquez toutes, et que vous vous réduisez à ce principe, qu’il faut agir et ne pas savoir dans quel but ?

Cette conclusion pourtant, vous la repoussez vivement dans votre propre écrit. Je viens de le relire attentivement et j’y vois un tissu de contradictions inouïes chez un esprit ordinairement net et lucide au premier chef. Vous y dites le pour et le contre, vous admettez tout ce que le socialisme prêche, vous déclarez que la pensée doit précéder l’action. Vous ne l’admettriez pas, qu’il n’en serait ni plus ni moins ; car il faut bien que ma volonté précède l’action de mon bras pour prendre une plume ou un livre, et il n’est pas besoin de poser en principe un fait de mécanisme si élémentaire.

Eh bien, alors, de quoi vous étonnez-vous, de quoi vous fâchez-vous ? Ne faut-il pas savoir, avant de se battre, pour qui, pour quoi on se battra ? Vous ne voulez pas qu’on s’abstienne quand on craint de se battre pour des gens en qui l’on n’a pas confiance ? Mais il n’est pas besoin d’être socialiste pour s’accorder à soi-même ce droit-là. Eût-on mille fois tort de se méfier, la méfiance est légitime parce qu’elle est