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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

au passage. On était surpris et charmé du libre accès accordé à cette manifestation jusqu’aux portes de l’Assemblée. On supposait que des ordres avaient été donnés pour laisser parvenir les pétitionnaires ; nul ne prévoyait une scène de violence et de confusion au sein de la représentation nationale. Des nouvelles de l’intérieur de la Chambre arrivaient au dehors. L’Assemblée, sympathique au vœu du peuple, se levait en masse pour la Pologne et pour l’organisation du travail, disait-on. Les pétitions étaient lues à la tribune et favorablement accueillies.

Puis, tout à coup, on vint jeter à la foule stupéfaite la nouvelle de la dissolution de l’Assemblée et la formation d’un pouvoir nouveau dont quelques noms pouvaient répondre au vœu du groupe passionné qui violentait l’Assemblée en cet instant, mais nullement, j’en réponds, au vœu de la multitude. Aussitôt cette multitude se dispersa, et la force armée put, sans coup férir, reprendre immédiatement possession du pouvoir constitué.

Je n’ai point à rendre compte ici des opinions et des sympathies de telle ou telle fraction du peuple qui prenait part à la manifestation ; mais toute voix en France a le droit de s’élever en ce moment pour dire à l’Assemblée nationale : « Vous avez traversé heureusement un incident inévitable en temps de révolution, et, grâce à la Providence, vous l’avez traversé sans effusion de sang humain. Dans le désordre d’idées où cet événement va vous jeter durant quel-