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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

sauver en faisant coin coin ! Sylvain tire, le cochon tire de son côté.

Pendant un instant, le cochon suspendu, le cul en l’air, semble devoir suivre la voiture ; mais il est le plus fort, Sylvain est obligé de lâcher prise : le cochon effaré s’enfuit, emportant le fouet. Nous voilà obligés de courir après. Le cochon se sauve jusqu’au fond de sa porcherie. La femme à qui il appartient court après, nous faisant des excuses et des remerciements, on ne sait pas pourquoi. Le fouet était si bien noué, que la femme, ne voulant pas le casser, tirait et dévissait la queue de son cochon, en disant d’un air pénétré : « V’là une chose émaginante ! » Sylvain, sur son siège, tout penaud et humilié, je crois, de mon fou rire, jurait tous les nom de Dieu de son vocabulaire. Au bord du chemin, un grand paysan sec, pâle, grave, malade, je pense, disait dans une attitude de philosophe en méditation : « V’là une chose qu’on voit pas souvent ! »

Et les femmes, sur leur porte, répétaient en chœur, d’un air ébahi : « C’est-il émaginant, c’te chouse-là ! ça s’est jamais vu ! j’compte qu’on zen verra pus jamais ! » C’est pour te dire aussi qu’avec la grande voiture et les deux chevaux jusqu’à Cluis, où Henri, envoyé de la veille, nous attend avec la petite voiture et la jument camuse, on peut faire la route assez vite et sans avoir très froid. Nous avions donné rendez-vous à Sylvain pour venir nous attendre à Cluis, au retour. Ne crois donc pas que je ne me dorlote pas, malgré