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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

devise : « Faire ce qu’on doit sans regretter sa peine et sans connaître le dépit d’échouer, » je sentais bien d’avance qu’il ne fallait pas espérer, et que les mauvais conseils étaient trop nombreux autour de celui dont l’état est d’être abusé. Je vous ai encore écrit hier ; c’est ce matin seulement que j’ai reçu votre lettre et celle de l’empereur.

Il n’y a donc plus rien à faire. Tout ce qui était possible, vous l’avez fait. Dieu vous en tiendra, compte. Il vous en tient compte déjà, puisqu’il vous rend votre excellent père, votre meilleur ami. C’est la pensée qui m’est venue tout de suite, en suivant dans les journaux les bulletins de sa santé. Je me suis dit que, pendant ces jours d’inquiétude, vous aviez pensé à ceux qui souffraient, et que cela vous avait porté bonheur.

Nos amis ont dû partir aujourd’hui. Comment ? avec quels égards ou quelles duretés ? je ne le sais pas encore. Je ne peux pas aller auprès d’eux leur serrer la main. On dirait que c’est une manifestation. Je les crois résignés et courageux. Je suis sûre au moins d’une chose : c’est qu’ils demandent à Dieu de les garder dans cette religion de douceur et d’humanité quand même, qu’à travers tant de chagrins, nous nous conseillons les uns aux autres depuis dix ans. Je n’ai pas pu leur dire directement ce que vous avez tenté et affronté pour eux ; mais ils l’ont bien deviné, et leur cœur s’en souviendra dans l’exil. Ils sont purs des projets subversifs et des