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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

famille. On l’a martyrisé dans un cachot, puis envoyé comme un ballot dans le plus rigoureux exil, à Guelma.

J’ai demandé au prince si je devais m’adresser au nouveau ministre ou à l’empereur lui-même, pour obtenir que cet ouvrier précieux, cet ami dévoué, nous fût rendu ; ou, tout au moins, si on pouvait le faire libre sur la terre d’Afrique, afin qu’il pût trouver de l’ouvrage et faire venir sa famille auprès de lui. Le prince, ordinairement si exact et si bon pour moi, ne m’a pas répondu.

Je n’ose pas l’importuner. D’une part, il doit être très occupé ; de l’autre, je lui ai peut-être déplu, en lui disant que je resterais l’amie d’une personne très affligée qui avait besoin, plus que jamais, des consolations de l’amitié. Je faisais pourtant avec impartialité, avec justice, je crois, la part des excès momentanés du dépit et du chagrin.

Je vous demande de m’éclairer sur ma situation auprès de Son Altesse. Je n’affiche pas une sotte fierté ; mais j’ai l’amitié discrète, et, quand je crois m’apercevoir qu’elle ne l’est plus, je regarde comme un grand service qu’on veuille bien me le dire. Rien ne me fâche, parce que ma personnalité et mes intérêts ne sont jamais en jeu ; mais j’avais mis mon devoir à obtenir du prince le salut de mes amis malheureux et brisés : c’est lui qu’il m’eût été doux de remercier et de faire bénir par leurs familles. Je ne croyais donc pas être importune. J’espère encore, parce que le