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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

dessinées par lui et gravées par Manceau. Maurice a écrit le texte en quatre mois, et c’est un tour de force ; car jamais histoire n’a été plus difficile à repêcher dans un monde d’écrits, où il lui fallait chercher pour trouver quelquefois deux lignes. Enfin, il a été récompensé de ses peines, autant qu’un artiste peut l’être, en découvrant, dans le fleuve d’oubli, un grand poète oublié en Italie et inconnu en France[1]. Mais ce poète-prosateur écrit dans une langue impossible. Tous ses personnages parlent un dialecte différent : l’un le vénitien, l’autre le bolonais, un autre le padouan, un autre le bergamasque, un autre l’ancônais.

Et tout cela, non comme on le parle maintenant, mais comme on le parlait en 1520. — Jugez quel éblouissement quand nous avons vu arriver ces vieux bouquins tant cherchés ! Eh bien, la patience triomphe de tout ; avec notre peu d’italien et mes vagues souvenirs de vénitien, nous avons tant lu et relu, tant réfléchi et tant comparé, que nous sommes arrivés à comprendre et à traduire. Nous nous disions souvent que, si nous savions votre dialecte, nous aurions lu peut-être cela couramment. D’autre part, des Italiens consultés ne pouvaient pourtant déchiffrer une phrase. Un Bolonais ne pouvait lire le bolonais et nous disait que nous cherchions à retrouver une langue perdue. — Enfin, nous l’avons retrouvée, même sans dictionnaire des dialectes ; Maurice triomphait de tous ceux qui se

  1. Angelo Beolco, dit le Ruzzante.