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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CDLVI

À MADEMOISELLE LEROYER DE CHANTEPIE,
À ANGERS


Nohant, 12 février 1860.


Chère mademoiselle,

Je voudrais me mettre à votre point de vue, et trouver, dans votre croyance, une ancre de salut à vous indiquer. Mais je ne crois pas à l’institution catholique, et toute forme arrêtée dans la pratique du culte me semble un obstacle entre Dieu et l’âme qui se connaît. Vous-même, vous vous révoltez contre l’efficacité du prêtre, puisque vous n’en trouvez aucun qui vous console et vous rassure.

Vous vous faites de Dieu une idée trop étroite et vous ne voyez en lui qu’un juge façonné à l’image de l’homme. Cela m’étonne de la part d’un grand cœur et d’un grand esprit comme vous. Il faut que votre cerveau soit malade ; et, je vous l’ai dit souvent, vous devriez changer momentanément de milieu, voyager un peu, aller à Paris, secouer enfin cette mélancolie noire qui vous ronge et qui n’a rien d’agréable à la Divinité, rien d’utile à vos semblables.

Si c’est une vertu que de se tourmenter ainsi, ou du moins si c’est la preuve d’une grande modestie