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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

dans votre manche. Mais peut-être les princes n’ont-ils pas le loisir d’analyser minutieusement ces détails. Et, au bout du compte, tout en vous soignant bien, ne vous soignez pas trop ; le grand remède sera une vie modérée en toute chose, pendant quelque temps ; beaucoup d’air pur et de campagne, et l’oubli du moi le plus souvent possible.

Notre grand mal à nous autres, c’est l’excitation ; mais il y a aussi grand mal à vouloir la supprimer tout à fait ; car nous ne sommes point bâtis comme les oisifs ou les positivistes, et l’absence totale d’émotions, de travail, de fatigue même, nous jette dans l’atonie, qui est le plus grand ennemi de notre organisation.

On fait bien de nous retenir de temps en temps ; mais les médecins et les amis qui nous enchaînent à la médication et au calme absolu nous tuent tout aussi bien que les chevaux qui nous emportent.

Moi, j’ai le roi des médecins, un homme sans nom, mais qui sait ce que c’est qu’une personne et une autre personne. Le lendemain du jour où j’étais au plus mal, il m’a fait manger, j’avais faim. Le surlendemain, il m’a permis de prendre du café, j’en ai l’habitude, et a consenti à me laisser sortir du lit, dont j’ai horreur. Il m’a laissée causer, rire et m’efforcer de secouer le mal. Il savait, il sait, je sais et je sens aussi, depuis que j’existe, que, quand je pense à la maladie, je suis malade. J’ai eu autrefois de forts accès d’hypocondrie tout à fait contraires à ma nature, et c’était