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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

châtelain l’a très bien reçu et lui a offert pour moi un beau logement à très bon marché, ce qui est fort aimable.

Mais je suis installée et c’est une assez grande affaire dans ce pays, où, même aux portes des villes, les ressources et les moyens de communication n’abondent pas. On va peu par terre, les chemins sont assez négligés et décrivent nécessairement des courbes immenses autour des golfes qui dentellent la côte. La mer est le seul vrai chemin, et, quand elle est mauvaise, ce qui arrive souvent ce mois-ci, on est un peu claquemuré. Nous avons surmonté tous ces petits ennuis du commencement, en nous mettant au courant des habitudes et des ressources de la localité et en nous attachant enfin un commissionnaire actif et intelligent, après en avoir essayé deux qui étaient de charmants garçons, mais peu dégourdis, moins dégourdis que des Berrichons, et craignant la pluie comme des chats. Ici, pour le caractère et le tempérament, il n’y a pas de milieu. Ils sont ou tout à fait chiffes, où tout à fait énergiques. Nicolas-Napoléon fait très bien notre service ; la cuisinière Rosine, une vraie guenon, chante et rit toujours. L’âne va à la provision sans regimber ; le chien nous prend pour ses maîtres, et les poules me suivent comme à Nohant.

On nous apporte d’excellents poissons de mer tout vivants ; nous savons maintenant qu’il n’en faut pas demander les jours de mistral ; nous nous sommes procuré beaucoup de tables ; car, bien que notre Cou-