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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
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peut-être, dont l’histoire ne parlera pas et qu’elle pourra même méconnaître absolument. Eh bien, selon moi, la charité vous criait : « Restez, taisez-vous ! acceptez cette grâce ; votre fierté chevaleresque rive les fers et les verrous des cachots. Elle condamne à l’exil éternel les proscrits de Décembre, à la mendicité ou à la misère dont on meurt, sans se plaindre, des familles entières, des familles nombreuses. »

Ah ! vous avez vécu dans votre force et dans votre sainteté ! vous n’avez pas vu pleurer les femmes et les enfants ?

Dans ce cruel parti dont nous sommes, on blâme, on flétrit les pères de famille qui demandent à revenir gagner le pain de leurs enfants, cela est odieux. J’en ai vu rentrer, de ces malheureux, qui ont mieux aimé jurer de ne jamais s’occuper de politique sous l’Empire que d’abandonner leurs fils à la honte de la mendicité et leurs filles à celle de la prostitution ; car vous savez bien que le résultat de l’extrême détresse, c’est la mort ou l’infamie.

Ces farouches politiques ! Ils exigeaient que tous leurs frères fussent des saints ! En avaient-ils le droit ? Vous seul peut-être aviez ce droit-là ! mais l’a-t-on jamais ? je ne me suis pas senti l’avoir, moi ; j’ai fait rentrer ou sortir tant que j’ai pu : rentrer ceux que l’exil eût tués, sortir ceux qui en restant eussent été immolés. J’ai pu bien peu ; je ne sais pas si on me le reproche, si quelques rigoristes le trouvent mauvais ; ah ! cela m’est bien égal ! Je ne méprise pas les hommes