Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 4.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
375
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

finit et un jour viendra où tout ce luxe de beauté perdue sera rajeuni et ressuscité. Nous sommes dans le siècle du marteau qui abat et de la truelle qui reconstruit. Vous me racontez on ne peut mieux tout ce que vous avez vu. Cette vie errante, mais saine au corps et à l’esprit, a dû faire du bien à Solange et je vous engage à ne pas vous en lasser trop vite.

Puisque le pauvre nid est désolé encore, laissez l’herbe et les branches pousser sur le seuil. — Quand vous reviendrez les écarter, les douloureux souvenirs auront fait place à cette grave sérénité que la mort laisse après elle dans les cœurs auxquels la conscience ne reproche rien.

Mais il est inutile de vouloir hâter ce moment. La nature a droit aux larmes. C’est un soulagement qu’elle exige en même temps qu’un noble tribut qu’elle paye. Votre chère enfant reçoit par là un grand baptême. Elle en appréciera plus tard l’effet salutaire et fortifiant.

J’ai reçu toutes vos lettres. — J’ai partagé et ressenti toutes vos émotions. Me voilà enfin sortie, pour quelques jours, d’une grande crise de travail. Pour m’en distraire, je lis Emerson, que je ne connaissais pas. C’est un philosophe américain, à la fois savant, poète, critique et métaphysicien, un vaste cerveau un peu obscurci par trop de clartés diverses, mais sublime, il n’y a pas à dire.

Notre enfant est superbe et remarquablement aimable et gentil. Il a une précocité extraordinaire et