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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

des cryptes, des colombarium, on voudrait bien sortir un peu de là et voir la nature. Mais, à Rome, la nature se traduit en torrents de pluie jusqu’à ce que, tout d’un coup, viennent la chaleur écrasante et le mauvais air. La ville est immonde de laideur et de saleté ! c’est la Châtre centuplée en grandeur ; car c’est immense et orné de monuments anciens et nouveaux qui vous cassent le nez et les yeux à chaque pas, sans vous réjouir, parce qu’ils sont étouffés et gâtés par des amas de bâtisses informes et misérables. On dit qu’il faut voir cela au soleil ; je ne dis pas non, mais il me semble que le soleil ne peut pas raccommoder ce qui est hideux.

La campagne de Rome si vantée est, en effet, d’une immensité singulière, mais si nue, si plate, si déserte, si monotone, si triste, des lieues de pays en prairies, dans tous les sens, qu’il y a de quoi se brûler le peu de cervelle qu’on a conservé après avoir vu la ville. — Mais ! mais, quand on est sorti de cette immensité plate, quand on arrive au pied des montagnes, c’est autre chose. On entre dans le paradis, dans le troisième ciel. C’est là que nous sommes. Nous avons amené Maurice, encore tout détraqué, avant-hier, et, bien que nous n’ayons pas encore eu un rayon de vrai soleil, le voilà tout gaillard et passant la journée sur ses jambes.

Le lieu où nous sommes est si beau, si étrange, si curieux, si sublime et si joli en même temps, que j’en aurai pour toute une saison à te raconter. Réjouis-toi