Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les renseignements exacts sur la transformation du journal. Demain, je sors et j’achète les souliers de votre chère maman ; la semaine prochaine, je vais à Palaiseau et je cherche mon livre sur la faïence. Si j’oublie quelque chose, rappelez-le-moi.

Je répondrai à toutes les questions, tout bonnement, comme vous avez répondu aux miennes. On est heureux, n’est-ce pas, de pouvoir dire toute sa vie ? C’est bien moins compliqué que ne le croient les bourgeois et les mystères que l’on peut révéler à l’ami sont toujours le contraire de ce que supposent les indifférents.

J’ai été très heureuse, pendant ces huit jours, auprès de vous : aucun souci, un bon nid, un beau paysage, des cœurs affectueux et votre belle et franche figure qui a quelque chose de paternel. L’âge n’y fait rien, on sent en vous une protection de bonté infinie, et, un soir que vous avez appelé votre mère ma fille, il m’est venu deux larmes dans les yeux. Il m’en a coûté de m’en aller, mais je vous empêchais de travailler, et puis, et puis — une maladie de ma vieillesse, c’est de ne pas pouvoir tenir en place. J’ai peur de m’attacher trop et de lasser. Les vieux doivent être d’une discrétion extrême. De loin, je peux vous dire combien je vous aime sans craindre de rabâcher. Vous êtes un des rares restés impressionnables, sincères, amoureux de l’art, pas corrompus par l’ambition, pas grisés par le succès. Enfin, vous aurez toujours vingt-cinq ans par toute sorte d’idées qui ont vieilli, à ce que prétendent les séniles jeunes gens de