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Aimez-moi plus qu’avant, puisque j’ai de la peine.


DCXVIII

À M. CHARLES PONCY, À TOULON


Paris, 16 novembre 1866.


Mes chers enfants, je suis à Paris pour quelques jours. Je viens de Normandie pour la seconde fois. Auparavant, j’avais été en Bretagne avec Maurice et sa femme, puis à Nohant. Demain, je vais à Palaiseau pour revenir à Paris, d’où j’irai encore à Nohant. Voyez quelle hirondelle je suis devenue ! Je ne m’arrête nulle part et je travaille partout. Depuis que la cruelle destinée m’a rendue indépendante, je profite de la seule compensation qu’elle m’offre : la liberté de courir et d’aller devant moi, souvent pour le seul plaisir de remuer, dont j’étais depuis longtemps privée. Il faut secouer le chagrin, qui est l’inévitable ennemi du bonheur. Ceci a l’air d’un mot de la Palisse. Non ! on est heureux par soi-même quand on sait s’y prendre : avoir des goûts simples, un certain courage, une certaine abnégation, l’amour du travail et avant tout une bonne conscience.

Donc, le bonheur n’est pas une chimère, j’en suis sûre à présent ; moyennant l’expérience et la réflexion, on tire de soi beaucoup ; on refait même sa santé par le vouloir et la patience. Mais l’implacable mort et le