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DCXXXV

À M. LOUIS VIARDOT, À PARIS[1]


Nohant, 24 avril 1867.


Mon cher incrédule,

C’est très bien, très bien dit et pensé. Je ne vous dis pas non. Seulement je vous dis : Il y a plus que ça. Vous êtes dans le vrai ; mais le vrai n’est pas un chemin fermé ; au delà du but atteint, il y a encore autre chose qui est encore le vrai, et ainsi toujours jusqu’à la fin des siècles de l’humanité. Si la raison et l’expérience fermaient le livre de la vie intellectuelle, elles ne vaudraient pas beaucoup mieux que les chimères d’un spiritualisme mal entendu. Je pense, moi, que vous n’avez pas assez tenu compte de l’importance du sentiment dans les éléments de la certitude. Vous trouvez trop commode de le supprimer comme une aimable hypothèse ; vous oubliez qu’il a juste autant de valeur que la raison, et que l’induction ne le cède en rien à la déduction. Je ne vous donnerai pas la clef qui ouvrira les deux portes à la fois pour nous faire pénétrer dans le monde des idées complètes. Je ne l’ai pas, je suis trop bête ; mais je sais bien qu’il y a une

  1. Après avoir reçu son opuscule intitulé Libre Examen, apologie d’un incrédule.