Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/210

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sions heureuses, de l’habileté de langage et de l’inspiration. Ce qu’il fait est souvent mauvais, parfois très beau, rarement médiocre. Ce serait grand dommage de le décourager, et je crois que le bon conseil à lui donner, s’il voulait le recevoir, serait celui-ci :

« Faites des vers encore et toujours ; mais n’en publiez pas encore. Attendez que votre goût se soit formé et que vous sentiez pourquoi on vous donne cet avis. C’est à vous de le trouver vous-même. Autrement, toute critique vous semblera pédante et arbitraire, et vous nuira au lieu de vous profiter. »

J’avais l’idée d’adresser M. Lafagette à Théophile Gautier, qui est un meilleur juge que moi. Mais, outre que je ne sais trop s’il ne m’enverra pas promener, je crois être sûre, à présent que j’ai lu avec attention l’opuscule entier, que son jugement serait conforme au mien. Toutefois, si M. Lafagette persiste à le voir, je lui donnerai une lettre. Théophile est très bon, comme un grand artiste et un vrai maître qu’il est en l’art des vers, et je ne pense pas qu’il décourage ce jeune homme.

Mais que va-t-il faire à Paris, après ces malédictions jetées à la moderne Babylone ? C’est l’amour de la montagne et l’enthousiasme de la solitude qui l’ont inspiré. Il m’a dit vouloir se lancer dans la vie littéraire. Qu’est-ce que c’est que cela ? où ça se trouve-t-il ? qu’entend-il par là ? J’ai cru d’abord que c’était un éditeur qu’il voulait trouver, et je lui ai dit la vérité. Eût-il une préface de Victor Hugo, il lui