Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/274

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scandale des bourgeois, qui faisaient des bassesses pour en être. Il y avait là un drôle de comique normand, un vrai Normand qui nous a chanté de vraies chansons de paysans dans le vrai langage. Sais-tu qu’il y en a d’un esprit et d’un malin tout à fait gaulois ? Il y a là une mine inconnue, des chefs-d’œuvre de genre. Ça m’a fait aimer encore plus la Normandie. Tu connais peut-être ce comédien. Il s’appelle Fréville : c’est lui qui est chargé, dans le répertoire, de faire les valets lourdauds et de recevoir les coups de pied au c… Sorti du théâtre, c’est un garçon charmant et amusant comme dix. Ce que c’est que la destinée !

Nous avons eu chez nous des hôtes charmants, et nous avons mené joyeuse vie, sans préjudice des Lettres d’un voyageur dans la Revue, et des courses botaniques dans des endroits sauvages très étonnants. Le plus beau de l’affaire, ce sont les petites filles. Gabrielle, un gros mouton qui dort et rit toute la journée ; Aurore, plus fine, des yeux de velours et de feu, parlant à trente mois comme les autres à cinq ans, et adorable en toute chose. On la retient pour qu’elle n’aille pas trop vite.

Tu m’inquiètes en me disant que ton livre accusera les patriotes de tout le mal ; est-ce bien vrai, ça ? et puis les vaincus ! c’est bien assez d’être vaincu par sa faute sans qu’on vous crache au nez toutes vos bêtises. Aie pitié. Il y a eu tant de belles âmes quand même ! Le christianisme a été une toquade, et j’avoue qu’en tout temps, il est une séduction quand on n’en