Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/304

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d’heure agréable pour le continuer dans ma tête ; voilà !

Je ne sais rien, mais rien de l’incident Sainte-Beuve ; je reçois une douzaine de journaux dont je respecte tellement la bande, que, sans Lina, qui me dit de temps en temps les nouvelles principales, je ne saurais pas si Isidore est encore de ce monde.

Sainte-Beuve est extrêmement colère, et, en fait d’opinions, si parfaitement sceptique, que je ne serai jamais étonnée, quelque chose qu’il fasse, dans un sens ou dans l’autre. Il n’a pas toujours été comme ça, du moins tant que ça ; je l’ai connu plus croyant et plus républicain que je ne l’étais alors. Il était maigre, pâle et doux ; comme on change ! Son talent, son savoir, son esprit ont grandi immensément, mais j’aimais mieux son caractère. C’est égal, il y a encore bien du bon. Il y a l’amour et le respect des lettres, et il sera le dernier des critiques. Le critique proprement dit disparaîtra. Peut-être n’a-t-il plus sa raison d’être. Que t’en semble ?

Il paraît que tu étudies le pignouf ; moi, je le fuis, je le connais trop. J’aime le paysan berrichon qui ne l’est pas, qui ne l’est jamais, même quand il ne vaut pas grand’chose ; le mot pignouf a sa profondeur ; il a été créé pour le bourgeois exclusivement, n’est-ce pas ? Sur cent bourgeoises de province, quatre-vingt-dix sont pignouflardes renforcées, même avec de jolies petites mines, qui annonceraient des instincts délicats. On est tout surpris de trouver un fond de suffisance grossière dans ces fausses dames. Où est la