Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/334

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amis ! Mais que de demandes touchantes ou saugrenues ! Toutes les fois que je peux quelque chose, je réponds. Ceux pour lesquels je ne peux rien, je ne réponds rien. Quelques-uns méritent que l’on essaye, même avec peu d’espoir de réussir. Il faut alors répondre qu’on essayera. Tout cela, avec les affaires personnelles, dont il faut bien s’occuper quelquefois, fait une dizaine de lettres par jour. C’est le fléau ; mais qui n’a le sien ?

J’espère, après ma mort, aller dans une planète où l’on ne saura ni lire ni écrire. Il faudra être assez parfait pour n’en avoir pas besoin. En attendant, il faudrait bien que, dans celle-ci, il en fût autrement.

Si vous voulez savoir ma position matérielle, elle est facile à établir. Mes comptes ne sont pas embrouillés. J’ai bien gagné un million avec mon travail ; je n’ai pas mis un sou de côté : j’ai tout donné, sauf vingt mille francs, que j’ai placés, il y a deux ans, pour ne pas coûter trop de tisane à mes enfants, si je tombe malade ; et encore ne suis-je pas sûre de garder ce capital ; car il se trouvera des gens qui en auront besoin, et, si je me porte encore assez bien pour le renouveler, il faudra bien lâcher mes économies. Gardez-moi le secret, pour que je les garde le plus possible.

Si vous parlez de mes ressources, vous pouvez dire, en toute connaissance, que j’ai toujours vécu, au jour le jour, du fruit de mon travail, et que je regarde cette manière d’arranger la vie comme la plus heureuse.