Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/374

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presque toujours debout, et l’abattement moral d’un homme habitué à une action continuelle du corps et de l’esprit, à qui l’esprit et le corps défendent d’agir. Nous l’avons si bien soigné, que le voilà, je crois, hors d’affaire, bien que, ce matin, j’aie eu encore des craintes et demandé le docteur Favre, notre sauveur ordinaire.

Dans la journée, je lui ai parlé, pour le distraire, de tes recherches sur les monstres ; il s’est fait apporter ses cartons pour y chercher ce qu’il pouvait avoir à ton service : mais il n’a trouvé que de pures fantaisies de son cru. Je les ai trouvées, moi, si originales et si drôles, que je l’ai encouragé à te les envoyer. Elles ne te serviront de rien, si ce n’est à pouffer de rire, dans tes heures de récréation.

J’espère que nous allons revivre sans rechutes nouvelles. Il est l’âme et la vie de la maison. Quand il s’abat, nous sommes mortes : mère, femme et filles. Aurore dit qu’elle voudrait être bien malade à la place de son père. Nous nous aimons passionnément nous cinq, et la sacro-sainte littérature, comme tu l’appelles, n’est que secondaire pour moi dans la vie. J’ai toujours aimé quelqu’un plus qu’elle, et ma famille plus que ce quelqu’un.

Pourquoi donc ta pauvre petite mère est-elle aussi désespérée, au beau milieu d’une vieillesse que j’ai vue si verte encore et si gracieuse ! Est-ce la surdité subite ? Y avait-il manque absolu de philosophie et de patience avant les infirmités ? J’en souffre avec toi, parce que je comprends ce que tu en souffres.