Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/380

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Vous voilà au courant autant que je peux vous y mettre. Avisez, et que votre bonne amitié pour lui vous conseille.

À vous, cher ami,
G. SAND.

[1]

  1. Réponse de Michel Lévy :
    Paris, 9 mai 1870.
    Chère madame Sand,

    Pour vous prouver tout mon désir de vous être agréable, j’ai fait, auprès de notre ami Flaubert, la démarche que vous m’aviez conseillée, en me dépeignant sa situation matérielle et morale.

    Je pensais avoir trouvé le moyen de lui venir en aide, sans qu’il se crût trop mon obligé et que son amour-propre s’en inquiétât ; c’était de lui proposer une avance de quatre à cinq mille francs sur le premier ouvrage qu’il ferait, à son temps et à ses heures, fût-ce dans cinq ans, fût-ce dans dix ! Je suis fâché de vous dire que cette proposition n’a pas eu son agrément, toute désintéressée qu’elle était de ma part, et quelque tranquillité d’esprit qu’elle lui laissât.

    Quant à lui offrir une prime qui eut été attribuée à l’Éducation sentimentale, en vérité, cela ne m’était pas possible. Quoique ce livre soit loin d’avoir été un succès, il a rapporté à Flaubert 16,000 francs, c’est-à-dire ce que j’aurais payé 6,000 francs au plus à vous, à Renan ou à M. Guizot. Ajoutez qu’il est certain que, dans les dix ans où j’ai l’exploitation de l’Éducation sentimentale, je ne recouvrerai pas les 16,000 francs dès aujourd’hui déboursés.

    Je regrette que Flaubert n’ait pas cru devoir accepter mon offre ; mais j’ai fait ce que j’ai pu, et j’espère que vous me rendrez vous-même cette justice que je ne pouvais mieux faire.

    Tout ceci entre nous. Vous comprenez bien qu’avec Flaubert je n’ai pu dire aussi crûment les choses.

    Bien affectueusement à vous.
    MICHEL LÉVY.