Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme on dit en Berry, après des années d’étouffement.

Il faut pourtant nous entendre sur la dose de liberté dont je peux disposer ; car je reconnais bien que la liberté absolue n’est possible que quand on écrit sur une page que l’on signe tout seul. Je ne crois pas avoir des opinions dangereuses et subversives qui puissent compromettre l’attitude très digne et très calme du Temps. Mais j’ai mes heures où je suis un peu plus agitée que ses premiers-Paris. Pourvu que, par la date de mes articles, je mette ces émotions à distance il ne s’inquiétera pas, n’est-il pas vrai ? Si je dépassais son programme, je l’autoriserais de tout mon cœur à faire ses réserves en note. Je tâcherai qu’il n’y ait pas lieu, mais tout en me promettant de faire de simples causeries sur des sujets variés, je sens bien qu’il ne me sera plus possible de ne pas parler du temps présent. Tout se tient dans l’émotion et ma sérénité a son genre d’émotions qu’il m’est difficile de retenir. Qui est-ce qui croirait ça ?

Eh bien, s’il m’arrivait de prendre le mors aux dents, je veux bien que vous m’avertissiez, je me rends toujours aux bonnes raisons ; mais ne me laissez pas ignorer les craintes que je pourrais inspirer et le pourquoi de ces craintes. Autre chose : je désire avoir du succès dans le Temps, pour gagner en conscience l’argent qu’on me donne. Il faut que vous me disiez tout bonnement après chaque article, dans les commencements, si la chose a plu, ou si elle a ennuyé.