Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pression. La sagesse comprend tout : le beau, le vrai, le bien, l’enthousiasme, par conséquent. Elle nous apprend à voir hors de nous quelque chose de plus élevé que ce qui est en nous, et à nous l’assimiler peu à peu par la contemplation et l’admiration.

Mais je ne réussirai même pas à te faire comprendre comment j’envisage et saisis le bonheur, c’est-à-dire l’acceptation de la vie, quelle qu’elle soit ! Il y a une personne qui pourrait te modifier et te sauver, c’est le père Hugo ; car il a un côté par lequel il est grand philosophe, tout en étant le grand artiste qu’il te faut et que je ne suis pas. Il faut le voir souvent. Je crois qu’il te calmera : moi, je n’ai plus assez d’orage en moi pour que tu me comprennes. Lui, je crois qu’il a gardé son foudre et qu’il a tout de même acquis la douceur et la mansuétude de la vieillesse.

Vois-le souvent et conte-lui tes peines, qui sont grosses, je le vois bien, et qui tournent trop au spleen. Tu penses trop aux morts, tu les crois trop arrivés au repos. Ils n’en ont point. Ils sont comme nous, ils cherchent. Ils travaillent à chercher.

Tout mon monde va bien et t’embrasse. Moi, je ne guéris pas ; mais j’espère, guérie ou non, marcher encore pour élever mes petites filles, et pour t’aimer, tant qu’il me restera un souffle.