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CMXLI

À M. CHARLES-EDMOND, À PARIS


Nohant, 26 septembre 1875.


Cher ami,

Je suis contente d’avoir enfin de vos nouvelles ; vous m’écrivez une lettre charmante, comme vous seul savez les écrire. Vous savez donner des encouragements qui ne s’adressent pas à l’amour-propre, mais qui vont droit au cœur, et qui consolent de beaucoup d’injustices ceux que le cœur seul a inspirés. Je rends donc grâce à votre Turc de vous avoir induit à relire ces livres dont je ne me souviens pas et sur lesquels je n’ai plus aucune opinion. Ils vous ont ému, donc ils valent quelque chose.

Il y a une idée de roman dans votre lettre. Ce serait la vie d’un homme racontée comme vous le faites à grands traits ; un homme subissant l’influence ou la réaction, dans les grandes crises de sa vie, de certaines lectures. Voulant se suicider avec Werther parce qu’il se trouve être Werther dans ce moment-là ; se reprenant d’un amour d’enfance depuis longtemps oublié, en relisant Paul et Virginie, et ainsi de suite. Ce serait une étude curieuse des nuances qui différencient profondément les situations analogues en raison de la