Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/399

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de goût pour forcer les vocations ; jusqu’à présent, j’ai tourné autour des âmes jeunes que j’ai maternellement adoptées, et j’ai tâché de saisir la capacité après des essais et des tâtonnements. J’ai eu le bonheur de réussir quand j’ai eu affaire à de bons esprits ; j’ai réussi à faire, d’un gamin qui voulait entrer au théâtre, un savant distingué, aujourd’hui dans une belle position relative, et d’autant meilleur père de famille qu’il a tenu le serment qu’il s’était fait de rester chaste jusqu’au mariage. Mais c’était un orphelin qui s’en remettait à moi du soin de son avenir, et je ne suis pas hardie à conseiller un heureux fils de famille comme Henri. Il me faut votre direction. Donc, si vous tenez essentiellement à ce qu’il ait son diplôme, je trouverai certes de bonnes raisons pour l’engager à persister. Sinon, je vous demanderai de me l’envoyer pendant quelques jours pour que je le questionne à fond, surtout pour que je le dissuade d’écrire à présent. J’ignore s’il écrira jamais. Je le trouve bien un peu gâté à domicile sous ce rapport. Il a fait jouer par ses amis de petites pièces gentilles, mais qui n’étaient pas assez faites pour voir le feu de la rampe. Il n’est pas sans goût, sans grâce et sans forme : mais il n’y a encore rien d’assez saillant pour être produit en public, et, si je lui laisse l’espoir d’arriver dans cette partie, c’est afin qu’il s’instruise à fond de tout ce qu’il n’a pu encore qu’effleurer. C’est alors que tout lui deviendra possible et que ses facultés naturelles donneront leur mot définitif.