Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portez l’exil et la pauvreté ; vous avez subi un rang et une situation que vous maudissiez. Le malheur dignement accepté est bien plus doux à subir. Si l’imprévu romanesque des événements vous ramenait chez nous, et non la volonté générale, je serais aussi désolée de vous voir monter ce ballon que contente de vous revoir.

Je crois les d’Orléans trop prudents pour prendre la place, elle n’est pas bonne ! elle restera peut-être longtemps vacante, parce que personne n’en voudra. Qui sait si, pendant ces tâtonnements de la République malade d’aujourd’hui, la République saine et vivante n’éclora pas ? c’est celle que je rêve, et ce que je rêve pour vous, c’est d’y entendre votre voix s’élever librement pour le triomphe des idées vraies.

Je n’y serai peut-être plus : une année comme celle-ci nous en met dix de plus sur le corps ; mais faites que je meure en vous bénissant et en voyant poindre à l’horizon votre véritable destinée. Vous avez mission de défendre la liberté de conscience, dont vous avez toujours été pénétré. Vous avez le don de la parole qui ne parle pas pour ne rien dire ; c’est un don bien rare ! Dieu ne vous l’a pas fait pour rien : ce don vous fera très grand si vous vous réservez. Je vous aime mieux dans votre chalet suisse que dans ce tourbillon diplomatique de Londres : c’est l’officine des partis et le rôle d’homme de parti ne vous ira jamais. Il y faut la souplesse du nuage, et vous êtes né pour l’éclat du tonnerre. Si l’impératrice Eugénie vous ra-