Page:Sand - Cosima.djvu/79

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raisons que votre volonté, madame, serais-je coupable envers vous ?

COSIMA.

Oh ! oui, monsieur, vous le seriez beaucoup.

ORDONIO.

Prouvez-le-moi, c’est tout ce que je demande.

COSIMA.

Dépouillons toute feinte, Ordonio. Je vous, aimais, vous le savez ; et il se peut que, malgré moi… oh ! bien malgré moi !… je vous aime encore. Mais je ne dois plus et ne veux plus vous aimer. À la veille peut-être de devenir coupable, je me suis arrêtée au bord de l’abîme. La généreuse confiance de mon mari m’a sauvée. Oh ! quel crime ce serait de tromper un homme tel que lui ! Vous l’avez senti comme moi, Ordonio ; car vous êtes noble, vous êtes grand, et vous m’avez promis de m’aider à guérir.

ORDONIO.

Eh bien, madame, n’ai-je pas voulu tenir ma promesse ? Depuis deux mois qu’Alvise est de retour, combien de fois n’ai-je pas essayé de vous quitter ? N’est-ce pas vous qui m’avez retenu ? Humilié, contraint, malheureux auprès de vous, n’espérant plus rien, et ne voulant plus rien demander, j’ai cru voir enfin que désormais, sûre de vous-même, et réconciliée avec votre confesseur, vous vouliez éterniser ma souffrance. On eût dit qu’elle seule vous donnait la force de me résister…

COSIMA.

Votre souffrance ? Non ; mais votre regret peut-être !… Eh bien, quand cela serait, n’est-ce pas dans le cœur humain ? La vertu dans l’amour n’est-elle pas un sacrifice réciproque ? Quand vous en acceptiez la moitié, ce sacrifice était sublime à mes yeux ; mais, quand vous m’avez laissée l’accomplir seule, raillant mes efforts, niant ma sincérité, abjurant toute compassion, toute estime, toute sympathie, ah ! ce courage a été au-dessus de mes forces !