Page:Sand - Flamarande.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Montesparre, je ne fusse contraint à subir la table commune. J’ai perdu ces préjugés, mais je les avais alors, et l’idée de m’asseoir à côté du palefrenier ou de la laveuse de vaisselle me causait un dégoût profond. Je ne pus me défendre de le dire à M. le comte.

— Charles, me répondit-il, ce sont là de fausses délicatesses. Beaucoup de personnes haut placées dans le monde sentent plus mauvais que l’évier, et, quant à l’écurie, c’est une odeur saine et qu’un gentilhomme ne craint pas. Donc, vous vous en accommoderez, s’il y a lieu. Ensuite écoutez bien ceci : vous devez avoir un jour ma confiance absolue ; c’est à vous de la mériter. Eh bien, la vie est un tissu de périls pour l’honneur et la raison d’un homme impressionnable comme je le suis. La vérité sur le fond des choses est presque impossible à obtenir dans un monde où la politesse est de mentir et le dévouement de se taire. Savez-vous où l’on découvre la vérité ? C’est à l’antichambre et surtout à l’office : c’est là qu’on nous juge, c’est de là qu’on nous brave, c’est là qu’on parle sans ménagement et que les faits sont brutalement enregistrés. Donc, le devoir d’un homme qui me sera véritablement dévoué sera d’entendre et de recueillir l’opinion des domestiques partout où il se trouvera avec moi. Je ne vous demanderai jamais rien de ce qui concerne les autres : mais ce qu’on dira de moi, je veux le savoir. Soyez donc toujours en