Page:Sand - Flamarande.djvu/318

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grettais de m’être engagée seule dans un sentier pareil. Si ce n’est pas abuser de votre obligeance, je vous demande de m’accompagner à cette cabane que vous voyez là-bas presque sous nos pieds.

— Que madame la comtesse me permette de passer le premier.

— Passez, et donnez-moi le bout de votre canne en la tenant de l’autre bout. Si peu que je sente un point d’appui possible, je ne suis plus tentée de broncher.

Je la conduisis ainsi sans dire un mot jusqu’à la cabane d’un pauvre pêcheur malade à qui elle portait des secours. Je pensais malgré moi qu’elle avait là quelque rendez-vous et qu’elle m’autoriserait facilement à la quitter ; mais elle me pria d’entrer avec elle afin de la ramener après.

Elle entendait fort bien la charité ; elle n’était pas de ces femmes nerveuses qui surmontent violemment et inutilement le dégoût de la maladie et de la misère. Elle ne paraissait pas éprouver ce dégoût, mais ne faisait rien de superflu pour le braver. Elle envoyait le médecin ou le chirurgien et ne touchait une plaie que quand personne ne savait s’y prendre dans la famille. Elle n’allait en personne chez les malheureux que pour leur témoigner de l’intérêt et connaître leurs besoins. Elle y mettait une grande simplicité et se faisait aimer sans faire de frais pour poser la bonne châtelaine.