Page:Sand - Flamarande.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le malheur de me dégoûter de tout au moment d’aborder les véritables difficultés, et je compris alors à ses réflexions que ma tristesse l’avait frappée ou lui avait été rapportée, et qu’elle s’en inquiétait charitablement. Je me tins sur mes gardes et renfermai l’amertume de ma vie au fond de mon cœur. Elle me quitta à l’entrée du parc en me remerciant de mon assistance sur un ton d’égalité qui me toucha ; mais je me rappelai vite que c’était sa manière habituelle, je ne lui avais jamais vu avec personne un instant de hauteur.

Je fus pourtant très-ému de cette promenade, et ma misanthropie en augmenta d’autant. Le lendemain, j’étais seul à faire des comptes devant ma fenêtre ouverte, et, après avoir fermé le registre, je restais dans une fixité douloureuse, lorsque deux ombres passèrent sur le cuir brillant de ma table, et je fis un effort pour sortir de ma torpeur ; c’étaient Roger et sa mère.

— Le voilà dans ses extases, dit Roger, qui avait alors un peu plus de treize ans. Tu vois, mère, quelle figure il a ! Il ne rit plus jamais, même avec moi ! Juge s’il est malade ! Et il ne se soigne plus, lui qui se soignait trop auparavant. Je t’ai amenée pour que tu le confesses, car, pour sûr, il a quelque grand chagrin, et à présent je te laisse avec lui. Il ne te résistera pas, il te dira son ennui, et tu le lui ôteras, ou il avouera qu’il est malade, et tu lui feras promettre de consulter tout de suite