Page:Sand - Histoire de ma vie - tome 1.djvu/105

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bonne mère, puisqu’il me prive de te voir, peut-être aussi pourra-t-il m’être d’une grande utilité en me laissant un vide énorme que je suis forcé de remplir par le travail. À Paris, j’étais distrait toute la journée. Il fallait courir, faire des visites, et tout mon temps se trouvait gaspillé. Maintenant, isolé, ne connaissant personne autour de moi, je n’ai d’autre ressource que l’étude pour ne pas périr d’ennui dans mes longues et solitaires journées. Je travaille depuis mon réveil jusqu’à trois heures, et comme je suis seul et sans bruit, je m’y donne tout entier et plus sérieusement que je n’ai jamais fait. Le citoyen Deschartres arrive, me donne une lettre de toi, que je lis en même temps que tu lis la mienne. L’après-midi nous sortons, nous nous promenons au bois de Boulogne, nous lisons, et, de cette manière, la journée se trouve remplie. J’ai été ce soir à la municipalité pour avoir un certificat de vie et l’on m’a fait des difficultés pour me l’accorder, parce que mon extrait de baptême n’était pas légalisé. Cependant je l’aurai demain, et je serai vivant plus que jamais.

Bonsoir, ma bonne mère, le citoyen Deschartres est fatigué, nous sommes rentrés tard de la municipalité et il veut se coucher. Pardonne à la brièveté de ma lettre à cause de sa lassitude. Je t’embrasse bien tendrement.


LETTRE IV

Passy, 20 floréal

Je t’écris, ma bonne mère, du coin de mon leu. Je ne sais ce que j’ai fait aux sieurs Éole, Borée et compagnie, mais ils ne cessent de me pourchasser ici. Je crois que ce