Page:Sand - Histoire de ma vie - tome 1.djvu/161

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Dupin, mais qui n’était pas notre parent, que je sache, avait organisé cette dernière tentative. Mon père eût été d’âge alors à s’en mêler, si telle eût été son opinion, et la bravoure ne lui eût pas manqué pour un effort désespéré. Mais mon père n’était pas royaliste et ne le fut jamais. Quel que fût l’avenir (et, à cette époque, malgré les victoires de Bonaparte en Italie, nul ne prévoyait le retour du despotisme), cet enfant condamnait et abjurait le passé sans arrière-pensée, sans regret aucun. Sa mère et lui, purs de toute participation secrète, de toute complicité morale avec les fureurs des partis et les vengeances intéressées, se laissaient bercer par le flot encore agité des derniers frémissemens populaires. Ils attendaient les événemens, elle, les jugeant avec une impartialité philosophique ; lui, désirant l’indépendance de la patrie et le règne des théories incomplètes mais généreuses des écrivains du dix-huitième siècle. Bientôt il devait aller chercher à l’armée le dernier souffle de cette vie républicaine, et, comme sa mère était quelquefois effrayée des aspirations qui lui échappaient, elle cherchait à l’en distraire par les douces jouissances de l’art et l’attrait de distractions permises.

Quelques mots sur la personne de mon père avant de le faire parler en 96. Depuis 1794, il avait beaucoup étudié avec Deschartres, mais il n’était pas devenu fort en fait d’études classiques. C’était une nature d’artiste, et il n’y avait que les leçons de sa mère qui lui profitassent. La musique, les langues vivantes, la déclamation, le dessin, la littérature avaient pour lui un attrait passionné. Il ne mordait ni aux mathématiques, ni au grec, et médiocrement au latin. La musique l’emporta toujours sur tout le reste. Son violon fut le compagnon de sa vie. Il avait, en outre,