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HISTOIRE DE MA VIE

beau pastel de Latour. Il a une cuirasse éblouissante et la tête poudrée, une belle et bonne figure qui semble toujours dire : En avant, tambour battant, mèche allumée ! et ne pas se soucier d’apprendre le français pour justifier son admission à l’Académie. Il ressemble à sa mère, mais il est blond, d’un ton de peau assez fin ; ses yeux bleus ont plus de douceur et son sourire plus de franchise.

Pourtant le chapitre de ses passions fit souvent tache à sa gloire, entres autres son aventure avec madame Favart, rapportée avec tant d’âme et de noblesse dans la correspondance de Favart. Une de ses dernières affections fut pour mademoiselle Verrières[1], dame de l’Opéra, qui habitait avec sa sœur une petite maison des champs, aujourd’hui existant encore, et située au nouveau centre de Paris, en pleine Chaussée-d’Antin. Mademoiselle Verrières eut de leur liaison une fille qui ne fut reconnue que quinze ans plus tard pour fille du maréchal de Saxe, et autorisée à porter son nom par un arrêt du parlement. Cette histoire est assez curieuse comme peinture des mœurs du temps. Voici ce que je trouve à ce sujet dans un vieil ouvrage de jurisprudence :

« La demoiselle Marie-Aurore, fille naturelle de Maurice, comte de Saxe, maréchal-général des camps et armées de France, avait été baptisée sous le nom de fille de Jean-Baptiste de la Rivière, bourgeois de Paris, et de Marie Rinteau, sa femme. La demoiselle Aurore étant sur le point de se marier, le Sieur de Montglas avait été nommé son tuteur par sentence du Châtelet, du 3 mai 1766. Il y eut de la difficulté pour la publication des bans, la demoiselle Aurore ne voulant point consentir à être qualifiée de fille de Sieur la Rivière, encore moins de fille de

  1. Son vrai nom était Marie Rinteau, et sa sœur s’appelait Geneviève. Le nom qu’elles prirent de demoiselles Verrières est un nom de guerre.