Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/123

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arrêtée sur-le-champ avec sa sœur Lucie (Dieu sait pourquoi !) et incarcérée d’abord à la prison de la Bourbe, et puis dans une autre, et puis transférée enfin aux Anglaises, où elle était probablement à la même époque que ma grand’mère.

Ainsi deux pauvres petites filles du peuple étaient là, ni plus ni moins que les dames les plus qualifiées de la cour, et de la ville.

Mlle Comtat y était aussi, et la supérieure des religieuses anglaises, Mme Canning, s’était intimement liée avec elle. Cette célèbre actrice avait des accès de piété tendre et exaltée. Elle ne rencontrait jamais Mme Canning dans les cloîtres sans se mettre à genoux devant elle et lui demander sa bénédiction. La bonne religieuse, qui était pleine d’esprit et de savoir-vivre, la consolait et la fortifiait contre les terreurs de la mort, l’emmenait dans sa cellule et la prêchait sans l’épouvanter, trouvant en elle une belle et bonne ame où rien ne la scandalisait. C’est elle-même qui a raconté cela à ma grand’mère devant moi, lorsque j’étais au couvent, et qu’au parloir elles repassaient ensemble les souvenirs de cette étrange époque.

Au milieu d’un si grand nombre de détenues souvent renouvelées par le départ[1] des unes et l’arrestation des autres, si Marie-Aurore de Saxe et Victoire Delaborde ne se remarquèrent pas,

  1. Départ signifiait là alors la guillotine.