Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/126

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Quant à lui, il n’eut point des pressentimens aussi sombres, mais il fut accablé. Ce pauvre enfant n’avait jamais quitté sa mère, il n’avait jamais connu, jamais prévu la douleur. Il était beau comme une fleur chaste et doux comme une jeune fille. Il avait seize ans, sa santé était encore délicate, son ame exquise. À cet âge, un garçon élevé par une tendre mère est un être à part dans la création. Il n’appartient pour ainsi dire à aucun sexe ; ses pensées sont pures comme celles d’un ange ; il n’a point cette puérile coquetterie, cette curiosité inquiète, cette personnalité ombrageuse qui tourmentent souvent le premier développement de la femme. Il aime sa mère comme la fille ne l’aime point et ne pourra jamais l’aimer. Noyé dans le bonheur d’être chéri sans partage et choyé avec adoration, cette mère est pour lui l’objet d’une sorte de culte. C’est de l’amour, moins les orages et les fautes où plus tard l’entraînera l’amour d’une autre femme. Oui, c’est l’amour idéal, et il n’a qu’un moment dans la vie de l’homme. La veille il ne s’en rendait pas encore compte et vivait dans l’engourdissement d’un doux instinct ; le lendemain déjà ce sera un amour troublé ou distrait par d’autres passions, ou en lutte peut-être avec l’attrait dominateur de l’amante.

Un monde d’émotions nouvelles se révélera alors à ses yeux éblouis ; mais s’il est capable d’aimer ardemment et noblement cette nouvelle