Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/135

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caractère tendre et mélancolique répondait à son nom, et autant sa mère avait été active et inquiète, autant il fut calme et recueilli. Ma grand’mère le préféra toujours à toute la postérité de Nérina, et on conçoit qu’après avoir traversé de grandes crises, on s’attache à tous les êtres, aux animaux mêmes qui les ont traversées avec nous. Tristan fut donc choyé particulièrement et vécut presque tout le reste de la vie de mon père, car il existait encore dans les jours de ma première enfance, et je me souviens d’avoir joué avec lui, bien qu’il ne jouât pas volontiers et eût habituellement la figure d’un chien qui s’absorbe dans la contemplation du passé.

Je ne sais plus bien ces dates de l’histoire que je raconte ; mais je vois qu’au 1er brumaire de l’an III (octobre 1794) ma grand’mère recevait des administrateurs du district de la Châtre, une lettre avec l’épigraphe : Unité, indivisibilité de la République, liberté, égalité, fraternité ou la mort. La République était moralement morte, on en conservait les formules :


À la citoyenne Dupin.

« Nous t’adressons copie du contrat de vente que t’a consenti Piaron, le 3 août dernier (vieux style), et le mémoire nominatif des demandes qu’il te fait, etc.

« Salut et fraternité ».

(Suivent trois signatures de gros bourgeois.)