Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/150

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moi-même. Mon ami M. Heckel m’a lu deux ouvrages de morale, l’un sur l’immortalité de l’ame, l’autre sur le vrai bonheur. Tout est admirable, profond, rapide, clair, éloquent ; c’est l’hiver dernier qu’il les a composés, et il m’assure qu’il n’a eu pour but que de me développer les principes de la vertu.

« J’ai eu un succès extraordinaire en chantant OEdipe chez Mme de Chabert.

« Mais ces succès, à qui les dois-je ? À ma bonne mère, qui a bien voulu s’ennuyer à m’enseigner et qui en sait plus que tous les professeurs du monde ! Après la musique, on a dansé ; nous étions tous en bottes, n’en sois pas scandalisée, c’est l’usage à présent ; mais comme on danse mal en bottes ! Par là-dessus on s’est imaginé de prendre le thé, et c’est bien là le souper le plus fade et le plus économique qu’on puisse faire. Adieu, ma bonne mère, je t’embrasse de toute mon ame, et je fais à ma bonne trente-trois amitiés. » …………………… « Le 19.

« Ce matin, j’ai encore déjeuné avec M. le duc et mon ami M.

Heckel. Nous avons mangé comme des ogres et ri comme des fous… Et figure-toi que, comme nous marchions tous trois sur le Pont-Neuf, les poissardes nous ont entourés et ont embrassé M.

le duc comme le fils de leur bon roi ! Tu vois si l’esprit du peuple a changé ! Mais je t’en parlerai verbalement, comme dit Bridoison.

« Je cours faire mes visites d’adieu. Va, je ne regretterai point Paris, puisque je vais te retrouver.

« Je dis mille brutalités à ma bonne ; qu’elle s’apprête à me raser, car ici on m’a fait les crocs, j’effrayais tout le monde, et les voilà qui repoussent de rage……….

« Deschartres a eu beau chercher un précepteur pour le fils de Mme de Chander, il regarde la chose comme impossible à trouver dans ce temps-ci. La race en est perdue. Tous les jeunes gens qui se destinaient à l’éducation