Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la conscience. La lettre qu’on vient de lire en offre un qui me pénètre profondément. Voilà ce Latour-d’Auvergne, ce premier grenadier de France, ce héros de bravoure et de simplicité, qui peu de temps après partit lui-même comme simple soldat, quoique ses cheveux blancs ne lui rendissent pas la nouvelle loi applicable… Il faut rappeler cette aventure que plusieurs personnes ont peut-être oubliée. Il avait un vieux ami, octogénaire qui ne vivait que du travail de son petit-fils.

La loi de la conscription frappe sur ce jeune homme. Aucun moyen alors de se racheter. Latour-d’Auvergne obtient comme une faveur spéciale du gouvernement, en récompense d’une vie glorieuse, de partir comme simple soldat pour remplacer l’enfant de son ami. Il part, il se couvre d’une gloire nouvelle, il meurt sur le champ d’honneur, sans avoir jamais voulu accepter aucune récompense, aucune dignité !… Eh bien, voilà cet homme, avec de tels sentimens, avec le projet déjà arrêté peut-être de se faire conscrit (à 55 ans), à la place d’un pauvre jeune homme, qui se trouve en présence d’un autre jeune homme, lequel hésite devant la nécessité de se faire soldat. Il examine attentivement cet enfant gâté qu’une tendre mère voudrait soustraire aux rigueurs de la discipline et aux dangers de la guerre. Il interroge son regard, son attitude. On sent que s’il découvre en lui un lâche cœur, il ne s’y intéressera