Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/203

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de s’endormir à cheval, il la versa maintes fois.

Enfin, il la servit pendant vingt-cinq ans d’une manière intolérable, sans que jamais l’idée fort naturelle de le mettre à la porte vînt à l’esprit de cette femme incroyablement patiente et débonnaire.

Il paraît qu’il prit au sérieux les moqueries de mon père sur la prétendue levée de conscrits de cinquante ans, et qu’il n’épousa Andelon, à cette époque, que pour se soustraire aux exigences éventuelles de la république. Vingt ans plus tard, quand on lui demandait s’il avait été à l’armée, il répondait : « Non, mais j’ai bien failli y aller ! » La première fois que mon père vint en congé après Marengo et la campagne d’Italie, Saint-Jean ne le reconnut pas et prit la fuite ; mais voyant qu’il se dirigeait vers l’appartement de ma grand’mère, il courut chez Deschartres pour lui dire qu’un affreux soldat était entré malgré lui dans sa maison, et que, pour sûr, madame allait être assassinée.

Malgré tout cela, il avait du bon, et une fois, sachant ma grand’mère dépourvue d’argent et inquiète de ne pouvoir en envoyer de suite à son fils, il lui rapporta joyeusement son salaire de l’année que, par miracle, il n’avait pas encore bu. Peut-être l’avait-il reçu la veille ! Mais enfin l’idée vint de lui, et, pour un ivrogne, c’est une idée. Il pardonnait à mon père de mener les chevaux un peu vite ; mais, sur ses vieux jours, il devint plus intolérant pour moi,