Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/209

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que tu ne m’en adresses : tu protéges la faiblesse, tu empêches le malheur. Que tu es bonne, ma mère, et que je t’aime ! »


LETTRE XXXVIII.

« Cologne, 26 prairial an VII (juin 99).

« Tu es triste, ma bonne mère, moi aussi je le suis, mais c’est de ta douleur, car pour moi-même, j’ai du courage, et je me suis toujours dit que l’amour ne me ferait pas oublier le devoir ; mais je n’ai pas de force contre ta souffrance. Je vois que ton existence est empoisonnée par des inquiétudes continuelles et excessives. Mon Dieu ! que tu te forges de chimères effrayantes. Ouvre donc les yeux, ma chère mère, et reconnais qu’il n’y a rien de si noir dans tout cela. Qu’y a-t-il donc ? Je pars pour Thionville, cité de l’intérieur, la plus paisible du monde, emportant l’amitié et la protection du général, qui me recommande au chef d’escadron. Je ne pourrai donc sortir de là que par son ordre, et ne serai pas libre d’aller affronter ces hasards que tu redoutes tant[1]. Que ne puis-je faire de toi un hussard pendant quelque temps, afin que tu voies combien il est facile de l’être, et quel fonds d’insouciance pour soi-même est attaché à cet habit-là. Sais-tu comment je vais quitter Cologne ? Dans les larmes ? Non ; il faut rentrer

  1. Il la trompait, il était forcé de la tromper.