Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/236

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de cette fameuse campagne de Suisse ? Peu de mots suffiront. Nos plénipotentiaires au congrès de Rastadt avaient été lâchement assassinés. La guerre s’était rallumée. En quinze jours, Masséna sauva la France à Zurich, en faisant évacuer la Suisse.

Suwarow se retirait avec peine derrière le Rhin, laissant une partie de ses Russes foudroyés ou brisés dans les précipices de l’Helvétie. À cette même époque, Bonaparte, quittant l’Egypte, venait de débarquer en France. Le même jour où mon père écrivait la lettre qu’on vient de lire (25 vendémiaire), Napoléon se présentait devant le Directoire à Paris, et déjà les élémens du 18 brumaire commençaient à s’agiter sourdement.

J’ai malheureusement bien peu de lettres de ma grand’mère à son fils.

En voici une pourtant. Elle est bien usée, bien noircie. Elle a fait le reste de la campagne sur la poitrine du jeune soldat, et il a pu la rapporter au trésor de famille.

« Nohant, le 6 brumaire an VIII.

« Ah ! mon enfant, qu’as-tu fait ! Tu as disposé de ton sort, de ta vie, de la mienne, sans mon aveu ! Tu m’as fait souffrir des tourmens inouïs par un silence de six semaines, ta pauvre mère ne vivait plus. Je n’osais plus parler de toi. Les jours de courrier étaient devenus des jours d’agonie, et j’étais presque plus tranquille les jours où je n’avais rien à espérer. Mais le