Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/246

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« Le jour même où je t’écrivis la dernière fois, nous quittâmes Weinfelden pour nous rendre à Saint-Gall, qui en est éloigné de sept lieues. On nous renvoya ensuite dans ces montagnes, et, depuis deux jours, je suis à Gambs, sur la droite d’Alstedten, détaché comme ordonnance, avec deux chasseurs, près du général Brunet ; et comme on ne meurt pas de faim à un état-major, je me dédommage sans façon du régime des montagnes et de la frugalité des pasteurs.

« Certes, je suis loin d’être dans la prospérité à l’heure qu’il est.

Je suis soumis à toutes les corvées, à toutes les gardes, à tous les bivouacs, à tous les appels, comme les autres. Je panse mon cheval, je vais au fourrage, je vis à la gamelle, heureux quand gamelle il y a !

Eh bien ! fussé-je dix fois plus mal, je ne regretterais pas ce que j’ai fait, car je sens que personne n’a rien à me reprocher, et que si le général Harville me blâme, il aura tort. Dans tous les cas, Beurnonville et M. de Latour-d’Auvergne m’approuvent et me protégent.

Ils pourront le faire d’autant mieux maintenant que je ne suis plus seulement le petit fils du maréchal de Saxe, mais que je suis soldat pour tout de bon de la République, et que j’ai justifié autant qu’il était en moi l’intérêt qu’on m’accorde. Pour toi, ma bonne mère, tu n’es plus considérée comme une femme suspecte de l’ancien régime, mais comme la mère d’un vengeur de la patrie. Oui, ma mère,