Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/309

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trouvé et le faire préparer pour ton arrivée. Je ne pense qu’à cela. Je t’embrasse de toute mon ame. »


LETTRE XVII.

À Madame ***.

« Sans date ni indication de lieu.

« Ah ! que je suis heureux et malheureux à la fois ! Je ne sais que faire et que dire, ma chère Victoire : je sais que je t’aime passionnément, et voilà tout. Mais je vois que tu es dans une position brillante, et moi je ne suis qu’un pauvre petit officier qu’un boulet peut emporter avant que j’aie fait fortune à la guerre. Ma mère, ruinée par la révolution, a bien de la peine à m’entretenir, et, dans ce moment, sortant des mains de l’ennemi, ayant à peine de quoi me vêtir, j’ai la figure d’un homme qui meurt de faim plus que celle d’un fils de famille. Tu m’as aimé pourtant ainsi, ma chère et charmante amie, et tu as mis avec un rare dévoûment ta bourse à ma disposition. Qu’as tu fait ? qu’ai-je fait moi-même en acceptant ce secours !

« C’est moi que tu aimes, et tu veux me suivre, tu veux perdre une position assurée et fortunée, pour partager les hasards de ma mince fortune. Oui, je sais que tu es l’être le plus fier, le plus indépendant, le plus désintéressé. Je sais, en outre, que tu es une femme adorable, et que je t’adore ! Mais je ne puis me résoudre