Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/386

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les réprimandes de ma mère, et le chapitre des chapeaux et des gants fit le désespoir de mon enfance. Mais, quoique je ne fusse pas volontairement rebelle, la contrainte ne put m’atteindre. Je n’eus qu’un instant de fraîcheur, et jamais de beauté. Mes traits étaient cependant assez bien formés, mais je ne songeai jamais à leur donner la moindre expression. L’habitude contractée, presque dès le berceau, d’une rêverie dont il me serait impossible de me rendre compte à moi-même, me donna de bonne heure l’air bête. Je dis le mot tout net, parce que toute ma vie, dans l’enfance, au couvent, dans l’intimité de ma famille, on me l’a dit de même, et qu’il faut bien que cela soit vrai.

Somme toute, avec des cheveux, des yeux, des dents, et aucune difformité, je ne fus ni laide ni belle dans ma jeunesse, avantage que je considère comme sérieux à mon point de vue : car la laideur inspire des préventions dans un sens, la beauté dans un autre. On attend trop d’un extérieur brillant, on se méfie trop d’un extérieur qui repousse.

Il vaut mieux avoir une bonne figure qui n’éblouit et n’effraie personne, et je m’en suis bien trouvée avec mes amis des deux sexes.

J’ai parlé de ma figure, afin de n’avoir plus du tout à en parler.

Dans le récit de la vie d’une femme, ce chapitre menaçant de se prolonger indéfiniment, pourrait effrayer le lecteur. Je